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Déclaration de Maurice Kamto, sur la situation et les perspectives de l’économie camerounaise à la suite de la révision du budget de l’etat par ordonnance du 20 juin 2024.

Alors que le document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) nous promettait en 2010 une émergence en 2035 consécutivement à une croissance soutenue pendant 15 ans, aux taux annuels de 10% au moins, le Régime du renouveau a plutôt installé notre pays dans un cycle ininterrompu de croissance molle qui va persister jusqu’en 2030, avec des taux de croissance oscillant entre 3,6% et 4,4%, selon les projections convergentes des autorités camerounaises et des partenaires internationaux. Le décrochage par rapport à l’économie ivoirienne à laquelle on avait souvent mesuré la nôtre s’est opérée il y’a plus de 10 ans déjà et l’écart n’ a cessé de se creuser depuis lors, avec des taux de croissance annuels ivoiriens dépassant les 7%, qui ont conduit à un PIB de ce pays de 87,4 Mds de dollars US en 2024, soit plus d’une fois et demie le PIB du Cameroun estimé à seulement 52Mds de dollars US pour la même année ! La résilience tant vantée de l’économie camerounaise n’est en réalité qu’un cache misère qui révèle, hélas, une certitude irréfragable : il n’y aura pas d’émergence en 2035, ni après 2035 d’ailleurs, avec le Régime en place. En raison des faits ci-après :

I- Une situation et des perspectives macro-économique atones

D’après les services de l’Etat, l’économie camerounaise a connu un ralentissement de sa croissance en 2023, en affichant un taux de croissance de 3,3%, après 3,6% en 2022. En 2024, cette croissance est estimée à 4,1% et ses projections à moyen terme maintenues autour du même taux, dans un élan d’optimisme relevant plus du volontarisme que de l’analyse froide des faits : car nonobstant la stabilité des projections de croissance du secteur tertiaire – dont on sait par ailleurs que son dynamisme est fortement tributaire de la santé des secteurs primaire et secondaire et non l’inverse– les facteurs qui plombent la croissance de ces deux derniers ( qui représentent plus de 41% du PIB en 2024) sont en berne, et vont le demeurer pendant plusieurs années :

• En effet, et selon les chiffres officiels, le secteur secondaire, créateur de richesse et d’emploi par excellence, est en déclin, puisque sa part dans le PIB baisse de 23,3% à 21,3% entre 2024 et 2027. La branche des industries extractives qui englobe la filière hydrocarbures est en baisse persistante (-4,7% et -0,1% en 2024 et 2025) et va se contracter d’avantage en 2026 et 2027 (-11,8 et-5,1%).

• L’offre d’énergie électrique indispensable à l’industrie et en particulier à l’industrie lourde demeure insuffisante, du fait des promesses non tenues en matière de barrages hydroélectriques

• Les crédits à l’économie sont en baisse (10,9% puis 8,1% en 2024 et 2025)

• Les investissements directs étrangers se font de plus en plus rares, à cause des perspectives peu reluisantes de notre économie à court et moyen terme, et du fait d’une gestion des finances publiques qui incite à privilégier les placements financiers au détriment des investissements directs.

II –Des finances publiques au service de la dette

Le 20 juin 2024, le Président de la République a, par ordonnance, révisé à la hausse, le budget en cours d’exécution, pour le porter de 6740,1 à 7278,1 Mds de francs, soit une augmentation de 538 Mds en absolu et 8% en valeur relative. Ceux qui pouvaient imaginer que cette hausse était destinée à relancer notre économie morose en vue de créer d’avantage de richesse et d’emplois qui manquent cruellement à notre jeunesse, doivent déchanter rapidement. Il s’est agi en réalité d’un tour de passe- passe, hélas cyniquement approuvé par les bailleurs de fonds internationaux, visant à maquiller la quasi banqueroute de l’Etat ! Car, à la lumière des données officielles, le solde primaire de ce nouveau budget – paramètre qui permet d’apprécier la viabilité d’un budget à court et moyen terme – déjà insuffisant en 2023 (à +138,8Mds) pour faire face aux engagements financiers contractuels de l’Etat, y est maintenant projeté négativement (à-182,2Mds), traduisant de ce fait l’incapacité du gouvernement à assurer le service de la dette publique, même partiellement par ses propres ressources.

Par cette révision, le gouvernement assume donc un déficit budgétaire de 137,9 Mds, en hausse par rapport aux 125,4 Mds de déficit de 2023. Plus grave encore, il prévoit de se lancer dans une campagne d’emprunts tous azimuts de 2070,1 Mds, représentant 6,6% du Pib national, pour…rembourser les dettes antérieures ! En l’occurrence, 1291,5 Mds de dette structurée, 84 Mds de remboursement de Tva, 537 Mds de paiement d’arriérés, 19,7 Mds de sorties nettes des fonds correspondants, auxquelles viendront s’ajouter le financement du déficit de 137, 9 Mds ; soit des besoins de financement totaux de 2070,1Mds pour la seule année 2024, aux dires du gouvernement.

Ainsi, pas un sou n’est destiné à l’accroissement des dépenses en capital (investissements), qui accusent au contraire une baisse de 48 Mds par rapport au budget initial de 2024, ni même à l’augmentation des dépenses courantes hors intérêts, qui chutent plutôt de 3662,4 Mds dans le budget initial, à 3536 Mds dans le budget révisé de 2024. Soit une baisse de 126,4 Mds !

Au total donc, le budget révisé à la hausse de 2024 ne permettra pas de relancer l’économie moribonde de notre pays : ni par une politique de l’offre, à travers une baisse relative des impôts et prélèvements, (qui sont plutôt maintenus à des niveaux asphyxiants pour les entreprises du secteur formel) ni par une politique assumée de la demande, via les dépenses courantes et d’investissement conséquents.

Il est donc clair que la gouvernance désastreuse et anti- patriotique de notre économie, à travers la gestion cavalière de ses finances, enfonce inexorablement le pays dans une spirale d’endettement qui conduira – si rien n’est fait- à l’effondrement de tout le système économique national ; avec l’aggravation du chômage et de la pauvreté de masse comme corollaire.

III-Un endettement public de plus en plus insoutenable. 

S’agissant de l’endettement du Cameroun, l’encours de la dette du secteur public n’a fait que s’accroitre d’année en année, passant de 12457 Mds en 2023, pour s’élever à 13 070 Mds, soit 43% du Pib, selon la Caisse Autonome d’ Amortissement (CAA). Dans ce stock, l’Administration centrale a accumulé des dettes à hauteur de 12219 Mds (4O% du Pib) composé de 67,5% de dette extérieure et 32,5% de dette intérieure. Ce volume élevé d’endettement exerce une pression excessive sur les finances de l’Etat, qui doit honorer un service de la dette de l’ordre de 2252,3 Mds pour l’année 2024, largement supérieurs aux dépenses d’investissement prévus à seulement 1424, 3 Mds. Comme on l’a dit précédemment, le gouvernement dépense plus pour payer des dettes improductives que pour soutenir la consommation et l’investissement, principaux facteurs de croissance économique.

Pour faire face à ces obligations, les dirigeants du pays font appel aux multiples appuis budgétaires multilatéraux (BAD, BIRD, IDA etc.) et bilatéraux (AFD, EXIMBANK, Corée, USA, etc.) et commerciaux, mais aussi à l’épargne intérieure (32,5%), au travers des titres publics, et des emprunts bancaires (BEAC…) notamment. Ces appels incessants aux marchés financiers pour régler le service de la dette font logiquement grimper les taux d’intérêts (atteignant parfois 10%) exigés à l’Etat, et créent un effet d’éviction des investissements, occasionné par une attractivité particulière pour les placements financiers au détriment des investissements proprement dits.

Le problème de la soutenabilité de la dette du Cameroun est donc posée, même si les autorités camerounaises s’enferment comme à leur habitude dans le déni, se réfugiant derrière la fameuse et simpliste règle qui établit le seuil de soutenabilité de la dette à 60-70% du Pib, alors que les critères les plus pertinents disent le contraire. En effet, et d’après les sources officielles, l’historique et les projections négatives des soldes budgétaires primaires aussi bien que globaux, en pourcentage de Pib (-3,8 -3,9 -2,6 -1,9 -2,1 -1,7 -1,0 -0,7), de 2021 à 2027 d’une part, et les ratios service de la dette sur recettes budgétaires et recettes d’exportation largement au-dessus des seuils minimaux d’autre part, font peser de graves risques d’insoutenabilité sur la dette du Cameroun.

Les Agences de notation Standard and Poor et Fitch notamment, ne s’y sont du reste pas trompées, en attribution la note B à tendance négative au Cameroun.

En vérité, la fuite en avant dans l’endettement, assumée par le gouvernement, pour financer les déficits budgétaires et rembourser les dettes des périodes antérieures, ne pourra qu’enfoncer d’avantage le pays dans le marasme économique et compromettre même la croissance molle projetée par les services publics. Or, tout est lié en économie et le secteur extérieur ne peut bien se porter quand tout va mal par ailleurs

IV- Une position extérieure dégradée 

Sans surprise, et suivant les chiffres gouvernementaux, le solde du compte courant de la balance des paiements du Cameroun en pourcentage du Pib, est structurellement et tendanciellement négatif depuis au moins 2021 et jusqu’à 2027 (-4%, -3 ,4%, -4%,-2,7% –3 ,3%, -2,3% -2,4% -2,5%), en échos au déficit chronique de notre balance commerciale durant la même période (8,1%, 8,7% 7,6% 9,6% 9,2% 9,5% 9,4% 9,9%). A titre d’illustration, les importations du Cameroun ont augmenté de 10,9% au quatrième trimestre 2023 comparativement à la même période en 2022, pendant que les exportations enregistraient une baisse de 9,2% des biens, couplée à une chute des services de 18,1% dans les mêmes périodes. Conséquemment, les avoirs extérieurs nets du pays se dégradent dangereusement (-10,1% en 2023 ; -6,6% en 2024 ; -1,1% en 2027)

V- La vie de plus en plus chère 

Dans une économie à forte démographie qui n’investit et ne produit pas assez, qui importe plus qu’elle n’exporte, qui s’endette beaucoup pour payer ses dettes, il n’y a rien d’étonnant à ce que le cout de la vie soit élevé et que les populations s’en plaignent de plus en plus . Au mois de juin 2024, l’indice des prix à la consommation était à la hausse, atteignant 5,7% en moyenne sur 12 mois, largement au-dessus de l’objectif de 3% fixé par la CEMAC, et estimée à 7% à la fin de cette année, par les services gouvernementaux.

Cette tendance haussière est principalement imputable à la progression de 7,6% des prix des produits alimentaires et de 14% des coûts de transport, consécutivement à la hausse des prix des carburants à la pompe. Le groupe de produits « Logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles » est également en augmentation. Ces composantes constituent comme on le sait, des postes essentiels du « panier de la ménagère ». La vie au quotidien est donc de plus en plus chère au Cameroun et les camerounais s’appauvrissent de plus en plus dans leur grande majorité.

VI- La paupérisation croissante des Camerounais 

La 5ème enquête (ECAM5) sur l’Etat de la pauvreté au Cameroun en 2021-2022 atteste de l’aggravation et l’expansion de la pauvreté au sein de la population camerounaise. La stratégie nationale de développement(SND30), cadre de référence de la planification des politiques de développement entre 2020 et 2030 avait fixé un objectif de 30,8% de taux de pauvreté en 2030. Or, nonobstant les disparités entre les diverses régions et entre villes et campagnes, le taux de pauvreté constaté, après avoir décliné de 40,2% à 37,5% entre 2001 et 2014, est reparti à la hausse pour se situer à 38,6% en 2021.

Aussi, l’écart de 1 à 10 de niveau de consommation entre riches et pauvres n’a pas du tout diminué sur la période 2014-2021 : 20% des plus riches consomment toujours 10 fois plus que les 20% les plus pauvres. Toujours d’après l’étude ECAM5, le seuil de pauvreté était estimé à 813 FCFA par personne et par jour en 2O22. Suivant ce nouveau critère basé sur le revenu, 37,7% de la population camerounaise vivaient en dessous du seuil de pauvreté en 2O22, encore bien éloigné du taux de 30,6% planifié pour 2030 déjà à nos portes. On peut donc raisonnablement conclure que malgré tant de milliards produits à l’intérieur ou reçus de l’extérieur depuis des décennies, environ 2 camerounais sur 5 vivent encore à ce jour en dessous du seuil de pauvreté !

Devant le sombre tableau de l’économie camerounaise qui se dévoile ainsi aux yeux de tous, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun affirme qu’une seule voie permettrait de briser le cercle vicieux appauvrissant dans lequel tourne le pays, à savoir réinvestir dans l’économie camerounaise les quelques 30% de Pib de revenu national annuellement détournés par de multiples canaux de type maffieux. Cela permettrait à coup sûr de porter le budget camerounais au niveau qui doit être le sien, assurer le service de la dette autrement que par la dette, et relancer la croissance économique par l’augmentation significative des dépenses publiques de bonne qualité, c’est-à-dire orientées vers des projets porteurs de croissance et gérées avec compétence et patriotisme.

En conséquence, le MRC demande au gouvernement d’engager enfin une lutte sans merci contre la corruption et les détournements de fonds qui privent mortellement notre pays de tant de ressources indispensables à l’accélération de sa croissance économique et au mieux-être de ses citoyens.

Il invite également les principaux partenaires financiers multilatéraux du Cameroun à moins de complaisance complice vis avis de la gestion calamiteuse de nos ressources et de notre économie

Fait à Yaoundé le 30 octobre 2024

Maurice KAMTO

Président National du MRC

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